Caca (ka-ka) n.m : Excrément, dans le langage des nourrices et des enfants. Il signifie figurément chose malpropre à ne pas toucher. Nerveux (nèr-veû) adj : Qui a rapport aux nerfs. Centre nerveux. Tissu nerveux. Affection, maladie nerveuse. NERVEUX se dit aussi d'une personne qui a les nerfs sensibles. Substantivement, Un nerveux, une nerveuse. Il s'emploie aussi pour désigner un État de nervosité passagère. L'inquiétude le rendait extrêmement nerveux.

Tuesday, October 31, 2006

Rien qu'un soupçon

Il y a des trucs qui ont le don de me foutre en boule. Hier soir, je vais à mon supermarché favori (enfin j’ai aucune tendresse particulière pour lui, c’est juste que c’est à deux pas du boulot, quoi) pour m’acheter mon repas du soir. Comme d’habitude j’avais sur le dos mon superbe sac à dos avec airbag intégré. Je passe le portillon qui inévitablement arbore un panneau représentant une flèche blanche dans un rond bleu, et là : Surprise ! La caissière m’interpelle :
- Monsieur-je-ne-peux-pas-vous-laisser-passer-avec-votre-sac-il-faut-le-laisser-« en-caisse » (vous avez remarqué, on ne dit jamais « à la caisse » en langage supermarchié, c’est trop vulgaire, on dit « en caisse », ça fait plus classe).

Voilà, il en fallait pas plus pour me foutre de mauvais poil, car d’un seul coup on me soupçonne d’être venu dans l’intention de voler, ni plus ni moins. Moi qui n’ai jamais rien volé de ma vie, même à l’époque où tous mes camarades ou presque se faisaient un jeu de « chouraver » des tas de trucs stupides et inutiles chez les commerçants du bled, moi qui suis toujours ressorti les poches vides, moitié par couardise et aussi moitié parce que je ne voyais pas pourquoi je volerais l’honnête boulangère dont je connaissais le fiston qui entre parenthèse -et pour fermer l’aparté- ne trouva rien de mieux pour me remercier que de me foutre son poing dans le nez parce que soi disant je l’aurais gêné pendant une partie de ping pong au foyer, et peut-être bien aussi, je le crains, parce que je regardais sa petite copine avec un peu trop d’insistance (la réciprocité dans le regard de la demoiselle, et le strabysme dans celui du fils de la boulangère, m’avaient encouragé à continuer). Moi, disais-je, qui suis bien trop con pour être malhonnête, on me traite presque de voleur avant même que j’ai foulé le sol de ce supermarché de mes deux... sacs en plastique in-recyclables. Et pourquoi, quand on m’accuse de vouloir remplir mon sac à dos en douce, devrais-je penser que les employés du magasin n’ont pas, eux, l’intention de commencer à le vider dès que j’aurai le dos tourné et le nez dans la laitue ? Pourquoi devrais-je faire confiance si on ne se fie pas de moi ? La confiance n’a de sens que si elle est réciproque, enfin je crois. Bref ça m’a saoulé. Mais en fait j’ai rien dit parce que j’avais qu’une envie, c’était d’acheter mon steak pour rentrer vite fait chez moi et me vautrer dans le canapé pour écouter à la radio le mutiplex des matchs de la coupe du Roi. Des fois je me fais une drôle d’impression, mais bon. J’ai rien dit et ma révolte se résumera à tous jamais à ce billet dans mon blog.

J’ai rien dit parce que c’est pas bien grave, dans le fond. J’ai juste fait un caca nerveux.

Maintenant imaginons que chaque fois que j’entre dans un magasin, j’ai le droit au même traitement. Que de temps en temps, et même assez souvent, on me fasse une petite fouille en passant quand je sors de ces mêmes magasins. Imaginons que chaque fois que je sors de chez moi, on me demande mes papiers, où je vais, d’où je viens, et qu’à chaque fois que je rentre chez moi se répète le même rituel, toujours par le même flic qui me tutoie et m’appelle par mon prénom. Imaginons que je sois suspect, soupçonné, partout où que j’aille. Je m’imagine, incrédule, apprenant en ouvrant mon poste de télévision que ces soupçons continuels se doivent au fait que mes parents sont des incapables, qu’il n’ont pas su me donner l’éducation qu’il fallait. Imaginons qu’on me case de force dans une catégorie sociale, pour le lieu où j’habite, les écoles que j’ai fréquentées, les fringues que j’aime porter, la musique qui me fait vibrer, ma culture, ou bien ma soi-disant culture, ou bien simplement celle de mes parents, ou juste celle de mes voisins, et imaginons qu’on décide que cette catégorie là est, le temps d’une campagne électorale, le temps d’un mandat, ou peut-être plus longtemps encore, le centre du monde et la cause de tous les maux.

Peut-être que je ne me contenterais pas d’écrire deux mots dans un blog. Peut-être que j’aurais une soudaine envie mauvais comportement.

On m’a parlé d’une expérience de sociologie qui se déroule plus ou moins de la façon suivante : On met dans une classe deux groupes d’élèves, un groupe de « bons » et un groupe de « cancres ». Puis on donne systématiquement aux bons des mauvaises notes, et aux cancres des bonnes notes, quel que soit le contenu de leurs copies. En continuant l’expérience suffisamment longtemps, on observe que petit à petit, les deux groupes s’inversent : les élèves finissent par se conformer à l’évaluation qu’on fait d’eux, à s’identifier au préjugé dont ils sont victimes ou bénéficiaires.


CQFD.

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