Caca (ka-ka) n.m : Excrément, dans le langage des nourrices et des enfants. Il signifie figurément chose malpropre à ne pas toucher. Nerveux (nèr-veû) adj : Qui a rapport aux nerfs. Centre nerveux. Tissu nerveux. Affection, maladie nerveuse. NERVEUX se dit aussi d'une personne qui a les nerfs sensibles. Substantivement, Un nerveux, une nerveuse. Il s'emploie aussi pour désigner un État de nervosité passagère. L'inquiétude le rendait extrêmement nerveux.

Thursday, December 14, 2006

Le bizarre incident de la dame dans l'avion

Le titre de ce poste, je l’ai tiré d’un bouquin que j’ai lu il y a pas longtemps : « Le bizarre incident du chien pendant la nuit ». Pour ceux qui cherchent de la grande littérature, c’est pas à proprement parler de cela qu’il s’agît. Mais c’est un bouquin sympa. Le personnage principal, et narrateur de l’histoire, est autiste. Le bouquin est donc écrit comme s’il était écrit par un gamin de quinze ans, autiste, d’où le titre étrange, et on entre dans ses obsessions, sa façon bizarre de voir le monde et de l’affronter. C’est donc un « bouquin pour enfants pour adultes », ça je l’ai piqué au Compte de cul, un mec qui met sur internet ses « chansons pour enfants pour adultes », qui ont l’allure de chansons pour enfants, mais dont les paroles ne sont en fait pas du tout à conseiller aux enfants. Mais quand même c’est très drôle dans le genre humour noir.

Et hop ! Voilà comment mine de rien on se fait une petite chronique livre/musique (ça faisait longtemps).

Mais revenons à nos moutons. Lundi soir je suis rentré de New York (comment je me la pète) et le retour en avion a été bien rock’n’roll comme on aime. Au bout de trois heures de vol, quand enfin j’avais fini par sombrer dans un sommeil savoureux, après avoir vu un dessin animé pas terrible avec des vaches, et avoir dîné de l’invariable poulet à la mode Boeing, avec dans les oreilles la 5eme de Loo Dweeg (pas le new-yorkais, l’autre), une de mes co-passagère décide subitement de s’évanouir du haut de ses quatre-vingt-dix kilos. Là je me suis rendu compte que le légendaire sang-froid et le style « paré à tout » des hôtesses de l’air est effectivement légendaire (je veux dire que ce n’est qu’une légende) car la seule chose qu’elles ont fait sur le moment c’est se mettre à crier en suisse allemand (c’était un vol avec escale à Zürich) quelque chose que je pourrais traduire approximativement (plus par déduction que par suisso-germanophonie) par « La vache, pourvu qu’elle clamse pas, sinon on est mal ! ». A ce moment là j’étais assis au dernier rang de l’avion, à côté d’un juif orthodoxe résident au Québec, professeur de j’ai pas trop compris quoi, d’une allure entre De Funes dans Rabi Jacob et Michel Simon dans les films de Michel Simon. A la partie arrière du coquet piteux (j’ai des crises d’accent du sud en ce moment), à un mètre de moi, les aides de cabines (les hôtesses, quoi) avaient assis Dolores, la dame évanouie, qui en fait ne s’appelle pas Dolores mais dont le nom, que la déontologie m’oblige à taire, était tout aussi à-propos que Dolores, vu la situation. Ayant été élevé, quoique très loin dieu merci des doctrines cubènites, dans un souci d’aide à mes prochaines z’et prochains, j’ai donc proposé mes services pour maintenir l’imposante dame en position assise, puisque ceci semblait être à cet instant la priorité du service d’assistance aux passagers (des hôtesses, quoi). Notons au passage que ce ne fut pas chose facile, étant donné qu’elle avait quand même manifestement vachement perdu la conscience.
Cet effort de la part du personnel de bord (appelons-les hôtesses pour faire plus simple) pour donner a Dolores l’aspect d’une personne consciente et en bonne santé qui aurait tout simplement décidé de piquer un roupillon à l’arrière de l’appareil, en dépit de son plus qu’évident encéphalogramme plat, m’a paru sur le moment réellement touchant de bonne volonté. Ce souci de maintenir coûte que coûte la bonne ambiance dans la cabine était sans aucun doute une preuve de leur conscience professionnelle. Il ne manquait plus qu’arrive le capitaine dans son uniforme blanc, accompagné d’un steward black à la coupe affro arborant sur les joues deux pattes brousailleuses, et je me serais cru dans un épisode de La Croisière S’amuse, je plaisante pas.
Mais c’est la chèfe de cabine, genre prof d’allemand, ce qui tombait bien car elle était, comme tout le personnel à bord, suisse-allemande, qui vint casser l’ambiance. A peine ai-je eu le temps de constater, incrédule, l’incroyable ressemblance de cette femme avec Dave, qu’elle se saisît d’une main de la pauvre Dolores (nous quittant ainsi un certain poids, on commençait à fatiguer) et de l’autre du téléphone de cabine. Elle se décida alors à demander l’aide d’un professionnel, non pas pour continuer à maintenir l’évanouie en position verticale, mais pour essayer de la réveiller. L’idée me parût assez ingénieuse, car en effet, il serait ainsi beaucoup plus facile pour Dolores de rester assise toute seule, et tout le monde pourrait alors retourner qui à dormir, qui à servir des jus de tomates. Dans les cinq secondes, il n’arriva pas un docteur, mais cinq d’entre eux de sexe masculin et deux autres d’un autre sexe, tous bien évidemment suisses allemands. Je décidai alors que Dolores avait suffisamment d’aide comme ça et je revint à ma place, crevé par tant d’efforts et bien décidé à retrouver Morphée qui j’imaginais devait s’impatienter.
Mais deux minutes plus tard, je me rends soudain compte que dans un court moment de lucidité, Dolores, qui jusque là n’avait pipé mot, essayait en vain d’expliquer aux suisses allemands que si elle ne répondait pas à leurs questions, c’est principalement parce que, comme tout bonne native de Barcelone, c’est Espagnol qu’elle avait fait comme deuxième langue, pas allemand, et encore moins suisse allemand. Devant l’air circonspect de l’auditoire germanophone, elle décidait alors que tout compte fait, ce serait pas pire de se révanouir, chose qu’elle fit immédiatement. Maudissant mon éducation païenne mais presque, c’est dans un réflexe quasi-pavlovien que je me surprend alors à proposer une nouvelle fois mon aide, mais cette fois non pas comme tuteur de femme corpulente mais comme traducteur bilingue.
Moi, comme beaucoup de mes co-citoyens, j’ai subi les cours d’allemand jusqu’à ce que la prof m’en jette en classe de première, me laissant avec sous le bras un embryon de deuxième langue qui me suffirait à peine à commander une pinte pendant la fête de la bière à Munich, et encore moins à dragouiller une teutonne si toutefois j’étais assez désespéré ou assez saoul pour avoir une idée pareille. Il nous alors restait à nous mettre rapidement d’accord sur une langue pas trop compliquée pour la majorité de l’équipe médicale improvisée pour l’occasion (je dis équipe médicale parce qu’au fond de moi je commençais à me sentir grave un personnage dans un épisode d’urgence, en espérant très fort ne pas m’être gourré de chaîne et que ce soit pas plutôt H, ou pire, l’hôpital de la forêt noire). Coup de bol, en dépit de propositions incongrues formulées par un des médecins genre je-sais-tout-j’ai-tout-vu, un rapide scrutin à main levée désigna l’anglais en prohibant toutefois l’usage des accents de Glasgow ou du Massachusetts. J’optais donc pour l’accent du bocage normand, et nous v’là partis : Les médecins parlant entre eux en allemand puis me soufflant en anglais ce que je devais demander à Dolores en español et ainsi de suite afin d’établir l’historique de la patiente (je passe les détails mais la pauvre collectionnait les vacheries du seigneur) pendant l’intervention qui consista finalement à poser une perf à la dame, lui passer du sérum, et contrôler le pouls et la tension toutes les dix minutes.
A bout de trois heures (c’était semble-t-il l’épisode spécial Noël diffusé par Arte, doublé en allemand et sous-titré en anglais), la Dolores, qui se fait appeler Maria (va t’en savoir pourquoi) était finalement complètement revenue à la vie, et tellement contente d’avoir rencontré un copain, se met à me raconter sa vie, d’une tristesse mes amis, pas croyable. Elle m’a fait sincèrement, en plus du don de sa carte de visite, une immense peine, la pauvre, tellement le récit de sa vie au milieu de ses animaux de compagnie en disait long sur sa solitude et le calvaire qu’elle devait vivre ici-bas. Enfin bref : j’ai pas dormi d’un poil mais je suis invité à Barcelone quand ça me chante dans une succursale de la S.P.A.
Pour remercier, les hôtesses m’ont fait cadeau à la sortie du vol d’un vin argentin qu’avait pas l’air d’une piquette (subtilisé en classe bizness). Je suis sorti de l’avion avec la bouteille sous le bras en direction des contrôles de sécurité. Et là, j’ai eu beau leur faire le récit que je viens de faire, les gorilles n’ont pas semblé pas me croire. Car bien entendu, il n’est plus permis de monter à bord d’un avion avec quelque liquide que ce soit. Alors voilà, j’ai du laisser ma bouteille à la dame des rayons X, et on m’aurait sans doute entendu crier jusqu’aux alpages suisses, si le bruit sourd du verre tombant au fond de la poubelle ne m’avait pas coupé la chique. On est tombé bien bas, bien bas, disait Brassens…

Labels: , , ,